Mon avis sur le livre d’Anthony Nevo “Une rencontre pour changer de vie”

Je venais tout juste de boucler Sérotonine de Michel Houellebecq, je ne me rappelle plus trop si j’étais fatigué ou bien ivre, probablement les deux. N’écoutant que ma fainéantise de me lancer dans un livre qui me ferait à coup sûr réfléchir, j’ai acheté le livre d’Anthony Nevo : Une rencontre pour changer de vie.
1/ Le problème d’Anthony Nevo
Anthony Nevo est un YouTubeur et un entrepreneur du web. Sur sa chaîne “Vie de Dingue” il partage régulièrement l’évolution de ses “Projets”, terme qu’il emploie d’ailleurs à outrance probablement par manque de vocabulaire.
Je n’ai jamais aimé le mot projet. Ma mère non plus d’ailleurs. C’est d’ailleurs probablement par solidarité que je n’aime pas ce terme.
Ma mère est enseignante, le mot projet elle l’a entendu toute sa vie sortir de la bouche de décisionnaires qui ne connaissaient que trop peu de choses de la réalité d’un terrain.
Le mot “projet” est un mot d’ignorants, d’ignares. La norme d’un projet est de ne pas aboutir, ou du moins de n’aboutir sur rien de concret. Le projet c’est la rencontre entre des idées stériles et la réalité. Steve Jobs n’avait pas pour projet de créer un iPhone, il a créé un iPhone. La différence est là.
Les politiques face aux gilets jaunes font des projets, le PDG en fin de contrat d’une boite qui coule fait des projets, mais quand on sait ce qu’on fait, on ne lance pas de projet. On fait.
Anthony Nevo lance des projets à tout va. Sur un ton enjoué et entre deux fautes de grammaires il créé l’illusion. Cliché de son époque malgré lui,
Anthony Nevo a certainement des qualités mais il n’a pas la patience d’apprendre, ou du moins il n’a pas la modestie de reconnaître qu’il ne sait pas. Selon Socrate, le savant est celui qui prétend ne pas savoir. Si on s’arrête sur cette définition que je trouve plus que pertinante, alors Anthony Nevo est un ignorant.
Je n’ai jamais été capable de tirer le moindre enseignement d’une vidéo d’Anthony Nevo. Tout est plat, désertique. Un peu comme le Yucatan au Mexique, pas de relief et rien à voir mais pourtant on continue de regarder, parce que Anthony prétend savoir.
Youtube a sonné la fin de la hierarchie. Les bien-penseurs amateurs de projets en déduiront sans plus de réflection que c’est merveilleux, la beauté d’internet. En réalité c’est une véritable sanction pour nous, lecteurs et auditeurs. Sans hiérarchie tout est sur la même ligne, et dans ce brouhaha il est parfois difficile de discerner le vrai du faux, la parole du bruit et l’efficacité de la stérilité.
2/ Migraine et crise de panique
Comme ce livre était un projet, ce livre est mauvais. Anthony Nevo appartient à cette génération ( pourtant plus âgée que moi ) qui pense qu’il suffit de vouloir pour pouvoir. A force de regarder ces abrutis d’américains nous convaincre que tout est faisable en s’acharnant, on peut finir par le penser. En tout cas Anthony Nevo n’a pas raté le panneau.
Tout en écrivant ces lignes je réalise que tomber dans le panneau est normal. En France on est tous allé à l’école et à l’école on nous a tous dit que nous étions égaux à la naissance. A partir du moment où la fondement d’une psychologie est autant inexacte, difficile de bâtir quoique ce soit de cohérent derrière.
En lisant “Une rencontre pour changer de vie”, j’ai eu peur et j’ai longuement hésité à prolonger ma lecture. J’ai eu peur d’être en quelques sortes contaminé par cette grammaire de camionneur.
Dès la dixième page, abasourdi par tant de clichés, abruti par ce Français de description niveau CM2 j’ai ressorti à la hâte mes copies de sixième. Tétanisé par l’idée que j’avais pu un jour, infliger pareilles souffrances à mes profs de français. Mais non, en sixième j’en avais déjà finis avec la description.
Je n’ai généralement aucune difficulté à lire un livre de 200 pages d’une traite, même lorsqu’il est moyen. En revanche lire un projet c’est plus délicat et j’ai ressenti le besoin de faire une pause page 17. Un début de migraine probablement provoqué par le ridicule du fond mais plus certainement par la forme.
Aucune concordance des temps, aucune figure de style, aucune volonté de décrire des sentiments, des pensées. Rien qu’une description lunaire d’une histoire ennuyeuse relatant avec lourdeurs des faits inexactes. La relation amoureuse entre les deux protagonistes est d’une lourdeur sans commune mesure, page 17 je me suis véritablement senti mourrir. Mourrir de chagrin comme le personnage de Sérotonine.
A la fin de la page 17 je n’étais plus pour la démocratie, je n’étais plus pour la parole au peuple, j’étais devenu par le biais d’Anthony, un fervent défenseur de l’Aristocratie et de la parole à ceux qui savent.
Page 17 je me suis rendu compte que la simplification du processus de publication d’un livre était un drame.
Page 17 je me suis dis que je reprendrai la lecture le lendemain.
Le lendemain j’ai donc commencé la journée avec un dolipranne, anticipant stratégiquement la migraine grossière que m’infligerait la suite de ce chef d’oeuvre. C’est donc à moitié inconscient que je suis arrivé au terme du livre d’Anthony.
3/ Anthony Nevo est un type bien
Il est évident que si le livre d’Anthony Nevo est mauvais, peut-être même le plus mauvais je n’ai jamais lu, cela ne fait pas d’Anthony Nevo une personne mauvaise. Anthony a une force de caractère qui lui a permis de se sortir d’une vie qui ne lui convenait pas pour vivre selon ses propres termes, et ça je le respecte.
Mais si cet article peut contribuer à restaurer une espèce de hiérarchie, une philosophie qui dirait que tout le monde ne peut pas tout faire, alors j’aurais réussi ma journée. Ecrire un roman c’est un art, pas un business.